Rares sont les communes qui osent encore se priver du sacro-saint Marché de Noël à l’approche des festivités. Ancrés dans la tradition, ces derniers fleurissent à travers les pays dès le premier week-end de décembre pour le plus grand plaisir des grands et des petits. Une occasion unique de s’immerger dans l’esprit de Noël, de réchauffer les cœurs autour d’un vin chaud et de saluer le savoir-faire des artisans locaux. Pourtant, les Marchés de Noël, derrière leur façade angélique, ont souvent été détournés de leur vocation première.
Des Racines ancrées dans le Christianisme
Originaires des pays germaniques, les marchés de Noël, autrefois nommés marchés de la Saint-Nicolas, sont apparus dès le 13e siècle, comme en atteste le plus ancien écrit découvert, un arrêté municipal de la ville de Vienne en Autriche datant de 1294.
Initialement, ils avaient pour vocation de célébrer la mémoire de l’évêque Saint-Nicolas de Myre, renommé pour ses actes de charité, son courage et patron des écoliers.
En ces temps anciens, les églises occupaient un rôle central dans les villes. Bien entendu, les marchés de la Saint-Nicolas se tenaient aux pieds de celles-ci.
Nobles et bourgeois aux bourses garnies de pièces de monnaie sonnantes et trébuchantes se pressaient pour se délecter de :
- Striezel, une brioche tressée garnie de fruits secs ;
- Christstollen, des pains à la mie épaisse et garnis de pâte d’amande et de fruits secs ;
- Pulsnitz, les célèbres pains d’épice originaires de la ville du même nom.
Au 16e siècle, sous la poussée du Protestantisme, branche du Christianisme qui ne reconnaît pas les saints, les marchés de la Saint-Nicolas furent rebaptisés marchés de Noël et dédiés à la célébration de la naissance de l’Enfant Jésus.
En France, en raison de sa proximité avec la frontière allemande, la ville de Strasbourg adopta cette tradition en 1570.
Pourquoi les Marchés de Noël devinrent-ils Outil de Propagande
Début du 19e siècle, la révolution industrielle remit en cause l’implantation des marchés de Noël, au cœur des villes.
En effet, profitant d’un niveau de vie plus confortable, la classe ouvrière les investit, au grand dam des bourgeois qui les désertèrent et les qualifièrent de « coupe-gorges ».
D’autre part, les propriétaires des grands commerces dénoncèrent et protestèrent contre cette concurrence désormais devenue néfaste à leurs affaires.
Ainsi fut prise la décision de les décentraliser en périphérie des villes, dans ce que nous appellerions aujourd’hui les banlieues.
Les marchés de Noël auraient ainsi pu dépérir et disparaitre. Mais en 1933, ils trouvèrent un allié de poids pour le moins surprenant dans l’avènement du nazisme.
Les Nazis au secours des Marchés de Noël
Les nazis rejetaient la religion. Dans leurs esprits, seule l’idéologie nazie devait perdurer. Ils vouaient un culte aux mythes païens, aux guerriers germaniques, forts et braves. À mille lieux en somme du Christianisme qu’ils comptaient bien remplacer par leur doctrine.
Pour autant, les cadres du parti national-socialiste étaient conscients que sans le peuple, ils n’étaient rien.
Par ailleurs, ils étaient convaincus que derrière le capitalisme œuvrait en coulisses la communauté juive.
Ainsi, pour contrecarrer les propriétaires des grands commerces et s’attirer la ferveur populaire, ils réimplantèrent les marchés de Noël au cœur des villes et en profitèrent pour s’approprier le concept.
Les stands se couvrirent de drapeaux à la gloire du nazisme. Seuls des produits en provenance d’Allemagne pouvaient y être commercialisés. Des calendriers de l’avent aux crèches, tout devint prétexte à glorifier le dogme nazi. Même les membres des SA, les sections d’assaut d’Hitler, fabriquaient et distribuaient des jouets aux enfants à cette occasion.
Ils transformèrent ce qui, à l’origine, était une fête destinée à célébrer le dévouement de Saint-Nicolas en vulgaire outil de propagande du troisième Reich.
Les Marchés de Noël | de 1940 à nos jours
Avec le déclenchement de la Seconde Guerre mondiale, les marchés de Noël disparurent. Même si le marché de Nuremberg rouvrit ses portes dès 1948, il fallut attendre les années soixante pour qu’ils renouent avec leur popularité.
Les années quatre-vingt-dix et l’explosion de la frénésie consommatrice marquèrent leur avènement.
En 1992, la ville de Strasbourg, en perte de vitesse sur un plan touristique, s’autoproclame capitale du marché de Noël. Elle investit massivement dans une opération marketing si bien ficelée qu’en 2022, deux millions huit cent mille visiteurs ont déambulé dans les allées.
Si depuis les années quatre-vingt-dix, les marchés de Noël sont avant tout une opération commerciale rondement menée, il n’en demeure pas moins qu’ils ont un impact indiscutable sur l’artisanat local. Et à l’instar des hirondelles annonçant le retour du printemps, qu’il est bon de céder à la tentation et de se laisser imprégner par la magie de Noël…